EXPOSITION
ENTRETIEN / SOLILOQUE
Pourquoi mener vous-même cet entretien ?
J’avais cette idée en tête depuis un moment ! On attend souvent d’une interview qu’elle vous permette de vous exprimer sur les sujets qui vous tiennent à coeur et je trouve qu’il y a toujours une part de frustration lorsque l’on ne vous pose pas les questions que vous espérez, c’est là que j’ai décidé de mener cette conversation de manière très personnelle en posant moi-même les questions. Puisque par son titre "Sleep" propose un voyage au coeur de la "ma" psyché et de mon imaginaire j’ai imaginé cette auto-interview à la manière d’une écriture automatique, d’une conversation entre moi et moi pour parler de mon exposition.
D’où vous vient l’idée de ce titre - "Sleep" ?
Vous allez rire ! En temps normal je décide au dernier moment du titre d’une exposition ainsi que de celui que des oeuvres qui la composent, j’aime faire cela sur mon ordinateur une fois que tout est réalisé. Je trouve que cela me permet un certain recul et un regard plus poétique sur mon travail mais pour cette exposition j’ai dû décider du titre un an en avance comme celui-ci figure dans le programme de la biennale de Lyon. C’était très déconcertant de devoir fonctionner à l’envers et au départ je n’avais pas d’idée. C’est lors des fêtes de Noël en famille qu’un matin ma soeur portait un pyjama sur lequel était écrit "Sleep", j’ai tout de suite su que c’était le titre de l’exposition ! J’étais fasciné par ces yeux en "ee" qui venait s’éveiller en même temps que moi, m’observer et me sonder.
Dites nous en plus, qu’est-ce que ce mot vous évoque ?
Le mot "Sleep" sans rentrer dans sa traduction littérale représente dans mon imaginaire l’entrée dans le monde des songes, dans le sommeil, dans le monde du rêve et du fantasme. J’aime l’ondoiement du "S" qui annonce en sifflant l’entrée dans un nouvel état de conscience et les deux "ee"dans lesquels je projette de manière imagée des paupières fermées. Cette thématique du rêve résonne aussi avec des questions que je me pose sur ma pratique et ma construction d’artiste, elle me permet de renouer avec des références qui me sont chères et à mieux comprendre leur impact sur ma création d’aujourd’hui. Je me pose souvent la question du sens de mes oeuvres car je travaille sans véritablement réfléchir en amont et je me suis rendu compte avec les années de leur caractère très personnel et intime. Sans le vouloir vraiment je me dévoile toujours plus par le biais de mes personnages et mes oeuvres semblent connectées à mes sentiments, à mon inconscient et semblent se construire à la manière d’un rêve, impérieux et énigmatique. J’ai donc imaginé cette exposition comme j’imagines un rêve, sans directions balisées, un voyage magique où toutes les combinaisons seraient possibles, c’est mon ambition de départ !
Pouvez-vous citer certaines de vos références ?
…. Odilon Redon, Félicien Rops, Alfred Kubin, Edward Munch, Gauguin, Van Gogh, Tim Burton, Guillermo Del Toro, Matteo Garonne, Constantin Brancusi, Alberto Giacometti, Paolo Sorrentino, Edward Burne-Jones, Goya, René Magritte, Cindy Sherman, Henry Darger, Barnett Newman, Francis Bacon, David Lynch, David Cronenberg ….
Parlez nous de votre exposition, comment s’est elle construite ?
J’avais en premier lieu l’envie de réunir dans l’exposition plusieurs aspects de ma pratique, la céramique, le pastel, la gravure et le travail du bois, chose que je n’avais pas encore eu l’occasion de faire correctement et dans un même espace. Lors de ma première visite au Point Commun j’ai été sensible à la circulation entre les trois salles d’exposition, à ce qu’elles dévoilent et cachent les unes des autres. J’ai suivi cette première impression et ai voulu une scénographie à la fois enrobante et mystérieuse, entre immersion et liberté. J’ai donc commencé par penser des espaces, des formes, des couleurs sans réellement penser au contenu des oeuvres. J’ai alors commandé des grands formats sur bois à un ébéniste, ai acheté une tonne de pastels et de couleurs, de la terre et des émaux et ai débuté comme ça.
Vous avez bénéficié dans le cadre de votre exposition d’une résidence artistique d’un mois à Moly Sabata, fondation Albert Gleize - parlez nous de cette expérience et quelles sont les oeuvres que vous avez produites là-bas ?
Le cadre de Moly Sabata à été incroyablement inspirant pour moi, les couleurs de la nature, les chats, les oiseaux, le calme. Je me suis mis au défi de produire une grande partie des oeuvres de l’exposition pendant ce mois de résidence et cela était très intense au niveau du rythme de travail, j’ai cherché à repousser mes limites et à tout créer d’un coup, je voulais voir ce que cela pouvait donner.
Pouvez-vous nous parler de l’exposition salle par salle ?
( L’artiste ferme les yeux et se concentre)
L’entrée de l’exposition se fait par un grand rideau rouge, invitation et référence au monde du spectacle et de la scène, j’aime imaginer qu’au-delà du rideau un spectacle silencieux commence. La première salle est peinte en rose pastel, une couleur que j’adore depuis toujours ! Dans cette salle sont présentés de grands dessins sur bois, l’un à la forme d’un triptyque et l’autre d’un coucher de soleil sur la mer, la forme de ces supports est inspiré par les peintures italiennes de la renaissance qui sont mon premier contact avec l’art et la forme du coucher de soleil fait référence à mon enfance en bord de mer, le contenu est venu après la forme. Au centre de la salle une céramique au regard loufoque nous accueille, elle est présentée sur un socle dont la forme est une référence directe à l’atelier de l’artiste, matrice et ventre créateur. On pénètre dans la seconde salle par une alcôve, forme de carton qui adoucie les angles et dans cet espace que l’on ne découvre qu’une fois à l’intérieur se développe un arbre imposant et chamarré sur lequel sont accrochés des autoportraits. J’ai réalisé ces dessins en partant d’une photo de moi que j’ai gardée comme une base à maquiller, à transformer et me suis représenté sous différentes formes, une araignée, un clown, un soleil etc… Au centre de la dernière salle que l’on pouvait lorgner depuis la première est exposé le corps d’un être endormi, mi-homme, mi-arbre il est une représentation à la fois naturelle et surnaturelle, une projection onirique. Autour de lui plusieurs dessins et personnages, ils racontent tous une histoire qui n’a ni début ni fin, une histoire arrêtée sur une image dont on ne peut que fantasmer la suite ou l’origine, un cabinet de curiosités sans histoire, une mythologie personnelle.